Pour la Transparence des Comptes Publics dans les collectivités territoriales

Etape 2 : EQUILIBRER

Un impératif réglementaire :

Le législateur, conscient que finalement ce sont les citoyens qui contribuent au financement de toutes les dépenses de la commune, que ce soit pour le bon fonctionnement des services ou pour la réalisation des équipements nécessaires, a voulu affirmer que la commune n'était pas une entreprise à vocation marchande et qu'elle n'avait donc pas pour objectif de faire des bénéfices. Il a ainsi défini une mesure de contrôle : le budget primitif de l'année qui représente l'ensemble des engagements financiers pour le maire, doit être en équilibre non seulement au total des dépenses et des recettes de l'année, mais aussi dans chacune des deux sections. En d'autres termes les résultats de chaque section doivent être nuls en prévision.

 Mais de quel résultat s'agit-il ?

Lorsque la commune construit son budget prévisionnel en début d'année elle recense d'abord la totalité des dépenses et des recettes réelles. Or d'un point de vue budgétaire on doit tenir compte dans chaque section de toutes les dépenses et de toutes les recettes relevant des opérations de fonctionnement ou d'investissement. Ainsi, à côté des dépenses et des recettes réelles, la gestion financière impose de prévoir chaque année les montants des dotations aux amortissements et des dotations aux provisions, et également de reprendre

Qu'est-ce qu'une « dotation » ?

C'est une opération comptable qui consiste à constater la dépréciation d'un bien ou d'une créance. Le montant de la dépréciation qui aura été calculée ou estimée, appelée « dotation », sera prélevée dans une section (fonctionnement ou investissement) et versée dans l'autre section. Ces dépenses et recettes supplémentaires ne donnant pas lieu à paiement ou encaissement ne sont pas des « opérations réelles ». On parle d'opération de « transfert entre sections », nécessaire d'un point de vue budgétaire pour obtenir la réalité des dépenses et des recettes de chaque section.  Ce sont des « opérations d'ordre budgétaire » ou plus simplement « opérations d'ordre »

  • Les amortissements

Pour bien comprendre la procédure examinons les amortissements avec l'exemple d'une salle de spectacles que de nombreuses communes possèdent.

 La salle de spectacles (bien d'équipement) est décomposée entre ses principaux éléments : le bâtiment, la scène, les fauteuils, les installations techniques et d'éclairage, etc. Chaque élément est enregistré en comptabilité dans la section investissement pour le montant total des factures payées tout au long des travaux de construction et d'aménagement (ce sont les valeurs d'acquisition). Ces biens connaissent au fil des années des dégradations dues au vieillissement et à l'usage, entrainant pour chacun une perte de valeur variable. Ainsi selon le type de bien (le bâtiment, les aménagements de scène, les fauteuils, etc.) une durée de vie comptable est définie (5 ans, 10 ans, 30 ans, 50 ans, etc.). Chaque année on retire en comptabilité un pourcentage de la valeur d'acquisition correspondant à la durée définie (5 ans = 20% par an, 30 ans = 3,33 % par an, 50 ans = 2% par an), jusqu'à extinction de la valeur initiale.

 C'est la procédure de l'amortissement. Le montant retiré de la valeur du bien (qu'on appelle « amortissement ») est conservé pour permettre de financer son remplacement futur. A cette fin le montant de l'amortissement est prélevé sur les ressources financières détenues par la section de fonctionnement qui a vocation à couvrir les besoins de la section investissement. Comptablement il y a donc simultanément un transfert de recette depuis la section de fonctionnement (enregistrement en dépense d'ordre de fonctionnement) vers la section d'investissement (enregistrement en recette d'ordre d'investissement). Cette opération est une opération d'ordre budgétaire.

  • Les provisions

Prenons l'exemple d'une provision pour couvrir le risque de devoir constater prochainement une perte de recettes (on parle de créances douteuses) ou de devoir honorer ultérieurement une dépense exceptionnelle et probable dans l'exécution d'un contrat (on parle par exemple de pénalités).  Le principe est de prélever et de « mettre de côté » un montant de revenu correspondant à l'estimation raisonnable de la perte financière prévue. Tel est le sens des prévisions budgétaires qui s'inscrivent dans un environnement financier non exempt de risques

Avant d'équilibrer les sections il faut ajouter aux prévisions de dépenses et de recettes réelles les prévisions d'opérations d'ordre pour les dotations aux amortissements et les dotations aux provisions

  • Les reports de (N-1)

Si le budget de l'année s'efforce de prévoir les risques financiers à venir il doit aussi tenir compte de la situation financière passée.

La gestion de la commune n'est pas interrompue au 31 décembre mais se poursuit naturellement avec la nouvelle année. Les opérations restant à réaliser de l'année précédente sont donc intégralement reprises au début de la nouvelle année.

A la clôture des comptes de l'année précédente le conseil municipal a constaté et a validé toutes les dépenses et toutes les recettes et les résultats d'exécution dans chacune des sections. A l'issue il a décidé de la manière dont ces résultats seront repris l'année suivante.

  • « Macommune » prépare l'équilibrage

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  • Conclusion : Un arbitrage délicat

Pour équilibrer « Macommune » monsieur le maire a donc proposé d'augmenter de 4% les impôts locaux et d'ajouter une cession d'immobilisation. Ce faisant il voulait autant que possible ne pas remettre en cause ses dépenses d'investissement car il avait déjà procédé à des ajustements. Alors il ne lui restait plus que d'une part l'emprunt avec l'augmentation de la dette et d'autre part les taux d'imposition. L'une comme l'autre des solutions relève d'un choix « politique » auquel Monsieur le Maire ne pouvait consentir aisément sans la volonté de défendre l'urgence de ses investissements.

Si la décision d'augmenter les taux d'imposition avait été exclue par Monsieur le maire pour des motifs de bonne politique locale, il n'y avait plus de nouvelles recettes possibles et la seule solution aurait alors été de réduire les dépenses. Aurait-il fallu faire des économies dans les dépenses de fonctionnement avec le risque d'affecter le bon fonctionnement des services et nuire à leur qualité si appréciée des utilisateurs, ou aurait-il fallu modifier les dépenses d'investissement en retirant du budget des projets voulus en priorité par Monsieur le maire ?

Par ailleurs. Dans notre exemple chiffré la section de fonctionnement a présenté un résultat cumulé final insuffisant pour équilibrer la section d'investissement. Mais on pourrait rencontrer à l'opposé un excédent de fonctionnement suffisamment important pour qu'une fois l'équilibrage de la section d'investissement obtenu il reste un solde excédentaire disponible. La section de fonctionnement n'étant donc toujours pas équilibrée, plusieurs solutions seraient possibles :

  • soit annuler ce solde excédentaire en augmentant d'autant les dépenses de fonctionnement, ce qui ne parait pas être une décision de bonne gestion à moins d'avoir la volonté et des idées pour faire en bonne intelligence des économies !
  • soit réduire les recettes de fonctionnement ! Or la charge financière représentée par les programmes d'investissement sur les 6 années de la mandature nécessite de s'assurer les ressources financières tout au long de cette mandature, et il n'est pas raisonnable de se priver de ces ressources supplémentaires déjà disponibles dans un environnement financier difficile. La bonne gestion est au contraire de les conserver en augmentant le besoin de financement de la section investissement.

Augmenter l'autofinancement est une solution fréquente pour ne pas dire recherchée tant les collectivités courent après les recettes. Le principe est donc de maximiser les recettes de fonctionnement d'une part et d'autre part d'augmenter simultanément les dépenses d'investissement d'un montant équivalent pour équilibrer l'ensemble. Ce supplément de dépenses d'investissement n'est pas tenu d'être réalisé cette année et il faut être conscient que certaines de ces dépenses peuvent être reportées sur l'année suivante pourvu qu'elles soient uniquement engagées. Ainsi on anticipe l'existence à la clôture de « Restes à Réaliser » et on met le supplément de recettes de la section de fonctionnement en attente pour financer les investissements de l'année prochaine !  On a géré l'autofinancement.

Cet exemple montre que de tels choix trouvent leur justification avec les réflexions menées à l'occasion de la recherche de l'équilibre et que les arbitrages exigés conduisent à des décisions difficiles d'un point de vue politique.

Observations : Si on prend comme exemple la TH, le taux de la commune en (N-1) était de 8,93 %.  La réforme territoriale intervenue a entrainé des réformes fiscales importantes et les taux de la communauté de communes ont été apportés à la commune, en l'occurrence un supplément de taux de la TH de 7,25% faisant passer le taux local à 16,18% ! Si cette réforme n'avait pas eu lieu le résultat de la section de fonctionnement serait passé de + 1.029 K€ à – 1.678,8 K€ !

A l'issue de ce travail de prévision et d'équilibrage Monsieur le maire est donc maintenant en mesure de présenter ses conclusions et ses orientations pour la nouvelle année.

Vous aurez perçu l'importance de ces raisonnements qui mettent en évidence les choix et les priorités qui ont présidées à la solution présentée au conseil municipal lors du débat d'orientation à venir.